Trois médecins faisant partie du Collectif Médecins Covid 974 auraient été convoqués devant le Conseil de l’ordre pour leurs prises de positions récentes concernant notamment le port du masque. Le Tangue a tenté de vérifier quelques arguments de ce groupe, qui communique depuis deux mois.
Ce matin, Le Tangue essayait d’expliquer aux élèves du collège de La Montagne, dans le cadre de ses cours d’éducation aux médias, que la science ne se fait pas dans les médias, mais dans les études scientifiques. Et que ce n’est pas parce qu’un scientifique fait du bruit qu’il a raison.
Depuis quelques semaines, le Collectif Médecins Covid 974 en fait, du bruit. Le 28 septembre, il signait une tribune qui se voulait “ rassurante “, invitant à ne tester que les cas symptomatiques, et à isoler les plus vieux. On ne va pas revenir dessus : l’ARS avait répondu, avec des sources et des chiffres.
La nouveauté, c’est que selon le JIR, trois membres de ce collectif de treize médecins réunionnais (ils seraient bien plus, selon eux) vient de se faire convoquer par le Conseil de l’ordre de médecins à La Réunion. En cause, leurs prises de position contre le port du masque (nous ne fournissons pas ici l’hyperlien vers l’article en question, que nous ne tenons pas à diffuser au vu de son ton complotiste.).
Or, puisqu’à part l’ARS et la Communauté des professionnels de santé de La Réunion, personne ne s’est vraiment penché sur ce que ce collectif raconte, Le Tangue s’y est collé.
Nous avons donc écouté quelques interventions, dans les médias, des membres de ce collectif, et avons analysé les arguments qui nous ont paru faux, quand il y en avait qui étaient énoncés précisément. Sympa : le collectif a regroupé sur une chaîne Youtube ses interventions (on ne met pas l’hyperlien, pour les mêmes raisons qu’expliquées plus haut). C’est long, c’est chiant, car comme le dit la loi de Brandolini : “ La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des foutaises est d’un ordre de grandeur supérieur à celui nécessaire pour les produire. “
“ Pourquoi porter les masques en extérieur ? C’est une absurdité. Rien n’a jamais été démontré sur le fait que porter le masque à l’extérieur puisse combattre la portée de la contagiosité du Covid. “
Bruno Bourgeon, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
Bruno Bourgeon n’a pas tort, même s’il est bien trop catégorique. Dans un article du mois d’août, l’Inserm a fait le point sur plusieurs études menées sur le sujet. On y apprend que, selon les données scientifiques actuelles, il semble que le virus se transmette à “ courte portée “, lors de “ contacts étroits “, et que les gouttelettes en suspension à l’extérieur ne soient plus en mesure de contaminer quelqu’un assez rapidement. Cependant, contrairement à monsieur Bourgeon, l’Inserm reconnaît que les connaissances sur le sujet sont encore balbutiantes : “ En attendant d’en apprendre plus sur le sujet, la recommandation de porter un masque en extérieur doit avant tout s’appuyer sur une analyse des différentes dynamiques épidémiques au niveau local, en prenant en compte la possibilité ou non pour les personnes de respecter la distanciation physique dans les lieux publics ouverts. ” Le port du masque à l’extérieur n’est donc pas “ une absurdité “, on pourrait le rapprocher simplement du principe de précaution, en attendant d’en savoir plus.
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“[En parlant des tests] Il y a des faux positifs. On se base sur des chiffres qui sont faux. “
Bruno Bourgeon, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
En fait, il n’y en a pas tant que cela. Nous avons trouvé un document de la Haute autorité de santé, qui évalue différents tests : les “faux-positifs” sont très rares :

La RTS s’était aussi penchée sur le sujet, interrogeant des microbiologistes, qui concluaient : “ De tels cas sont très rares. Il peut y avoir une erreur en chemin, comme un échantillon mal prélevé ou une inversion entre deux tubes, mais le test, lui, est fiable. Pour le Covid-19, il est donc faux de dire qu’il y a beaucoup de faux positifs.”
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“ Il faut autoriser les médecins généralistes à prescrire de la chloroquine. Je m’en fiche que ce soit efficace ou pas. “
Bruno Bourgeon, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
Pour l’instant, selon l’état des connaissances scientifiques, la chloroquine ne fonctionne pas. Et les études s’empilent. Les médecins pourraient donc tout autant prescrire du jus d’orange.
De plus, la chloroquine peut provoquer des effets secondaires, selon son dosage. Du coup, les médecins peuvent bel et bien continuer à prescrire de la chloroquine pour traiter les maladies sur lesquelles elle a fait ses preuves suivant des protocoles connus et étudiés (lupus, polyarthrite), mais pas pour les patients atteints du Covid.
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“ Le Covid tue moins que la grippe à l’Île de La Réunion. “
Bruno Bourgeon, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
Facile à vérifier. Selon Santé publique France, en 2019, sept personnes sont décédées de la grippe à La Réunion. Dans notre dernier article, le 28 octobre, nous avions comptabilisé vingt décès à La Réunion, hors Evasan, liés au Covid. Ce chiffre a depuis gonflé, nous n’avons pas eu le temps de refaire les comptes sans les évacuations sanitaires (L’ARS en annonce quarante, hier, Evasan compris). L’affirmation de Bruno Bourgeon est donc fausse.
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“ L’essai Discovery […] a été interrompu fin mai au moment où l’article sur le Lancet sortait disant que l’hydroxychloroquine était plus dangereuse qu’utile. Or, cet article était bidonné, il a été réprouvé […] Dans l’intervalle, le gouvernement français a arrêté le test Discovery […] Du coup, l’hydroxychloroquine qui commençait à montrer son effet dans cet essai n’a pas pu montrer son effet car ils été interrompu. “
Bruno Bourgeon, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
Gloubiboulga, vous avez dit ?
En effet, l’essai Discovery, dont le but était de tester plusieurs médicaments dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 dans toute l’Europe, avait intégré l’hydroxychloroquine dans sa liste de médicaments à essayer. Et en effet, il a été retiré de l’essai suite à l’étude du Lancet qui concluait, dans un premier temps, à la dangerosité de l’hydroxychloroquine dans le cadre de la lutte contre le Covid. Mais il ne faut pas tout mélanger.
L’étude du Lancet portait sur la dangerosité l’hydroxychloroquine, et pas sur son efficacité. Elle a en effet été retirée, après des doutes émis par la communauté scientifique sur la qualité des données utilisées. Preuve, au passage, que la science, quand elle se plante, admet ses erreurs.
Mais Discovery a, en effet, retiré l’hydroxychloroquine de son étude sur la foi d’une étude bidon. C’est une erreur. Pourtant, comme nous l’avons dit plus haut, Discovery n’est pas le Saint-Graal : de nombreuses autres études n’ont toujours pas trouvé d’efficacité à l’hydroxychloroquine. Et elles sont nombreuses.
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“[Parlant de l’hydoxychloroquine] Il y a cent soixante études dans le monde qui montrent cet effet positif. “
Bruno Bourgeon, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
Nous n’avons pu vérifier ce chiffre, mais en effet, quelques études montrent l’efficacité de la chloroquine. Elles ont été, pour beaucoup, publiées par des membres de l’équipe du professeur Didier Raoult, et souffrent, très souvent, de problèmes méthodologiques. Beaucoup, aussi, ont été publiées dans des revues prédatrices, où la relecture par les pairs est légère, voire inexistante. Surtout, elles ne font pas le poids face aux études qui démontrent l’inverse, et à la méthodologie plus sérieuse. Les dernière méta-analyses sont formelles (Une vidéo sensationnelle pour tout comprendre comment fonctionne une méta-analyse, et notamment celles sur la chloroquine).
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“[En parlant du collectif] Il y a des gens très intéressants. Il y a par exemple Margie Sudre. C’est pas la dernière des imbéciles : elle a été président du Conseil régional ! “
Bruno Bourgeon, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
On ne voit pas vraiment en quoi le fait d’avoir été à la tête de la Région donne la moindre expertise à Margie Sudre en épidémiologie. Elle a été médecin – réanimateur, mais là encore, rien à voir avec la choucroute. Il y a beaucoup d’épidémiologistes qui n’ont pas été présidents de région et qui affirment que ce que raconte ce collectif, c’est n’importe quoi. Il s’agit ici d’un argument d’autorité. Ça ne vaut rien.
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“ Aucun des membres du collectif n’a le droit de causer. “
Philippe de Chazournes, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
Le monsieur dit cela… sur RTL. Les tribunes du collectif ont été publiées sur de nombreux médias. No comment.
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“[Parlant de la Suède] Ils ont les mêmes chiffres que nous, la même incidence, la même mortalité comparative, et eux, ils n’ont pas confiné. “
Bruno Bourgeon, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
On ne sait pas exactement quand la vidéo a été tournée. Mais pour la Suède, on commence à avoir des nouvelles… inquiétantes. Le nombre de morts augmente depuis début novembre, et le pays se retrouve à imposer, justement, de plus en plus de restrictions. En effet, pour l’instant, le nombre de morts par million d’habitants est légèrement inférieur à celui de la France. Mais alors que chez nous, l’épidémie semble avoir dépassé son pic, en Suède, les chiffres grimpent encore, si bien que les autorités commencent à revoir leur copie, et que le modèle suédois est remis en cause.
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“ Le tribunal de Pau a remis en cause la légitimité de l’obligation de porter le masque. “
Philippe de Chazournes, sur RTL (vidéo mise en ligne le 22 novembre).
Une décision d’un tribunal n’a aucune valeur scientifique. Le tribunal de Pau n’a donc aucune compétence pour juger de l’utilité ou non du port du masque dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid. Concernant sa décision, le 20 août, la voici. Le tribunal administratif des Pyrénées Atlantiques a en fait annulé l’arrêté du “ Préfet des Pyrénées-Atlantiques portant obligation du port du masque”… car le Préfet n’a pas accompagné cette interdiction de “ l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) “, ce qui “entache l’arrêté d’illégalité”. Le tribunal n’a donc pas pris en compte les arguments mettant en cause l’éventuelle atteinte à la liberté, mais bien un problème bêtement administratif. Depuis, certaines zones du département se sont bel et bien vus imposer le port du masque par arrêté préfectoral.
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“On va revenir sur cette étude Danoise. […] Il s’agit de 6024 Danois qui ont été testés. Deux groupes ont été testés, et on a regardé ce qu’ils devenaient vis-à-vis de la protection de la Covid. Et effectivement, ça n’a montré aucune protection, le fait qu’on porte un masque. “
Bruno Bourgeon, sur RTL (vidéo mise en ligne le 23 novembre).
Le Monde a déjà vérifié cette information, reprise par plusieurs personnes contre le port du masque. Il y décortique les différentes affirmations de cette étude, ainsi que ses limites, expliquée par les auteurs eux-mêmes. L’auteur même de cette étude confirme l’importance de port du masque pour éviter la propagation du virus. D’ailleurs, c’est écrit dans l’étude danoise : elle n’est “pas une évaluation de l’efficacité des masques pour empêcher la propagation du virus aux autres”.

Au passage, dans ce même article, vous pouvez lire plusieurs études confirmant l’efficacité du port du masque dans le cadre de la lutte contre le Covid.
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“ Y a quasiment aucun risque d’attraper le virus si vous marchez en ville, si vous allez au supermarché. “
Bernard Boden, sur Réunion 1ère, le 28 septembre.
A l’air libre, il y a des chances que ce soit vrai (voir au début de cet article). En revanche, au supermarché… En avril, une étude finlandaise avait modélisé le mode de propagation du virus dans un espace clos recevant du public… comme un supermarché.