Qu'est-ce que le sens ?

Comme les poissons dans l’eau ou les oiseaux dans l’air nous baignons dans un océan de sens qui ont mille formes et autant de… sens particuliers sans que nous soyons pour autant capables de dire de quoi il s’agit.

Le sens est un peu comme le marteau de Heidegger : nous y pensons quand il n’est plus là où il devrait être, sous la main et qu’il nous fait défaut. Mais même dans ce cas, nous nous contentons de le rechercher sans nous interroger sur sa nature.

C’est comme ça qu’on en vient à s’interroger sur le sens de la vie sans savoir ce qu’est le sens, en sachant à peine ce que c’est que de vivre et sans donc avoir beaucoup de chances de trouver ce que nous cherchons car même avec les yeux dessus nous ne saurions le reconnaitre, faute de pouvoir l’identifier.

Le sens de la vie, ce sera pour une autre fois. Aujourd’hui, nous allons simplement nous demander « qu’est-ce que le sens ? » Pourquoi est-il aussi important ? Et comment le retrouver ou le restaurer quand il s’avère qu’il est perdu ou anéanti ?

Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre lors du prochain café-psycho qui, si tout va bien, aura lieu début décembre.
Les précisions seront bientôt apportées ici-même

PS: le café-psycho (kafé maron) a bien eu lieu hier 9 décembre. Il s’est très bien passé et je suis pour ma part très satisfait de l’exercice tel qu’il s’est déroulé. Je tenterai une forme de synthèse des idées qui y ont été évoquées et je mettrai cela en ligne prochainement.

PS 2: un calendrier et une page à sujets de discussion seront aussi mis en ligne sous format wiki comme ça tout le monde pourra faire des propositions et qui seront ensuite agendées par le trio des organisateurs.

PS3 : prochain RDV : le deuxième vendredi de février 2023 au kiosque du Barachois. Qu’on se le dise !

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J’ai hâte de lire vos réflexions collectives synthétisées par écrit.
Pour ma part, j’avoue que cela aurait été un exercice difficile de m’exprimer sur le sujet tant le mot est polysémique :

  • des cinq sens biologiques
  • au sens de la vie philosophique.

Peut-être que l’auteur d’Éloge de la fuite, Henri Laborit, pourrait être une personne ressource (ou l’un des auteurs/penseurs) pour effectuer jonction entre de ces deux variantes de signification du mot « sens ».

En fait, je l’avoue, je me sens incapable de résumer tout ce qui a été dit car faire une synthèse est un exercice en soi et je n’en ai pas le temps et pas la motivation aussi car nous ne sommes pas dans un compte-rendu d’assemblée où les moindres paroles doivent être conservées.

Le travail de la pensée consiste pour bonne part à faire la part des choses et donc le tri entre ce qui est déterminant qu’on doit garder et ce qui est contingent et dont on peut se passer au moins pour le moment.

Bref, je vais benoîtement restituer « l’emballage » final que j’ai proposé au terme de la discussion non sans chercher un solution pour mettre en ligne l’enregistrement dont je n’ai pas encore vérifié la qualité d’ailleurs.

L’idée de base que j’ai défendue et qui a été plutôt bien comprise et acceptée je pense, c’'est que le sens de quoi que ce soit est incarné par l’habitude qui s’en saisit et agit avec.

Pour reprendre l’idée du biologiste Jakob von Uexküll, un pavé change de signification selon que nous nous en servons pour poser les pieds et marcher dessus ou selon que nous les ramassons pour les avoir en main et nous en servir de projectiles.

C’est dans cette totalité qu’est l’action (produite par et produisant l’habitude) que le sens s’incarne. Je crois que le mot prend ici tout son sens :wink:

La découverte faite à l’occasion de cette discussion (en fait au cours de la préparation) c’est que, tout comme l’habitude présente les trois aspects du mental (le cognitif, l’affectif, le conatif) le sens fait de même. La notion est ternaire et renvoie donc d’abord, classiquement, à un sens lié à la représentation (cognitif) qu’amène la compréhension. Par exemple on fait sens d’un tableau sensoriel (qui tombe sous les sens) en identifiant une forme que l’on reconnaît, dont on fait sens : on comprend alors ce qu’on voit.

Il y a ensuite un sens lié à la valeur que l’on attribue à l’activité et à ce qu’elle produit. Un travail qui permet seulement d’acheter de quoi se nourrir mais ne nourrit pas l’âme nous amène à nous poser la question du sens qu’il a dans notre vie. Cette question renvoie en fait à la valeur que nous lui attribuons. Ce n’est donc pas une question de compréhension.

Enfin, il y a le sens très classique lié à la direction, le fait que les choses vont dans un sens ou dans l’autre et d’abord le sens de circulation. Et cela renvoie là encore à l’habitude en tant qu’elle est action qui nécessairement poursuit un but, celui qui donne la direction comme un sommet à l’horizon donne la direction pour marcher vers lui.

Voilà c’est court, mais il est tard, je dois m’arrêter. J’y reviendrai mais le sujet me passionne. Chacun aura compris quoi qu’il en soit que j’en traite en psychologue. Aux philosophes de nous éclairer sur leurs conceptions que j’avoue méconnaître. Peut-être y aura-t-il des recoupements ? Mais j’en doute parce que j’avais quand même fait un petit tour dans le domaine sans rien trouver de clair et net sur la nature du sens.
Il faut être psychologue pour postuler que le sens c’est l’habitude… :slight_smile:

PS: Dans l’article ci-dessous, je parle de schème. Cette notion est très simple : c’est l’habitude appréhendée seulement sous l’angle de la cognition. Rien de plus.

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03258354/document

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Je suis complètement d’accord avec ça. C’est un travail bien spécifique et tu ne peux pas être à la fois le présentateur du thème de discussion, avec tout le travail préalable que cela sous-entend, et ensuite celui qui prend note de tous les échanges.

Ce rôle pourrait éventuellement être proposé lors des futures sessions, tout comme @ketty.lisador a assumé le rôle de distributrice de la parole (avec un œil sur la mesure du temps de parole).

Après tout, c’est vrai. Chacun retiendra ce qui aura été enrichissant pour lui. Des notions nouvelles sans doute, venant s’agréger à des connaissances déjà en place, ou sur une éventuelle page blanche pour ceux qui n’auraient aucune information antérieure sur le thème abordé.

Ce nom me dit quelque chose. Je crois même avoir cherché à me procurer un de ses livres dont le titre était « Monde humain, mondes animaux » ou quelque chose d’approchant. Je vérifie …
J’avais inversé : Mondes animaux et monde humain suivi de Théorie de la signification - Babelio

Quels sont les mondes de la taupe, de l’oursin, del’abeille, du chien, du choucas ? Quelles en sont lesstructures, réelles ou imaginaires, les principales lignes de force ? En quoi se différencient-ils du monde humain ? Quelles relations magiques unissent la mouche à l’araignée, qu’est-ce qu’un espace vécu, un temps perceptif, une image d’action, un chemin familier ? Tel est l’ensemble de questions auquel Jacob von Uexküll apporte ici une réponse. Ouvrage désormais classique, Mondes animaux et monde humain ouvre la voie à l’étude des comportements en même temps qu’il jette une lumière nouvelle sur le problème des univers parallèles, fondamental dans la science, l’art et la littérature d’aujourd’hui.

Je ne connaissais pas le mot « conatif ». Merci pour cet enrichissement de mon vocabulaire.

Une réflexion plus générale : quelle tristesse que d’utiliser toutes ces connaissances en psychologie pour manipuler le comportement du … consommateur. Notre société est malade de l’idéologie marchande !
Je dis ça alors même que mes études supérieures incluaient des bases de mercatique (le marketing).

C’est très utile d’aborder toutes ces notions de psychologie. Depuis Gustave Le Bon (« Psychologie des foules ») et ensuite Edward Bernays (« Propaganda »), pour ne parler que des modernes, la psychologie est utilisée comme arme de domination massive par ceux qui détiennent le pouvoir.
Dans le « Manuel du résistant », il faudrait absolument que figurent toutes les expériences de psychologie telle que celle de Milgram.

Les philosophes quant à eux ont une vision de plus grande échelle, s’expriment sur « le sens de la vie », la place de l’homme dans la nature, etc. Il existe autant de courants (sinon plus) dans la philosophie que dans l’anarchie. Et à ces multiples courants philosophiques, on doit bien évidemment rajouter les idéologies portées par les valeurs des différentes religions.

Il serait dans ce cas utile de définir « l’habitude » car il me semble que la signification en langage courant ne doit pas correspondre tout à fait à ce que tu sous-entends.

Au temps pour moi. Je vais lire le document que tu as rédigé. Merci :wink:

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Je suppose que c’est par rapport à cela que tu dis « autant pour moi ». En effet, je parle bien de l’habitude au sens courant du terme même si l’objectif sera de montrer la magnifique richesse de sens qu’elle peut avoir lorsqu’on la suit dans ses infinies modalités avec lesquelles nous vivons, à l’insu de notre plein gré :slight_smile:

En fait, j’écris les questions ou les remarques qui me viennent à l’esprit au fur et à mesure de ma lecture. Or, juste après t’avoir demandé de définir le mot « habitude » en termes psychologiques, j’ai vu (deux-trois lignes plus bas) que tu avais fourni un document de vingt-neuf pages qui débute par la nécessité de « donner une définition claire et consensuelle » (la même méthodologie logique par laquelle tu avais initié le fil de discussion sur l’anarchie).

Bref, au lieu d’effacer ma question, j’ai ajouté ce « au temps pour moi » (« autant pour moi » étant tout aussi correct en français) pour avouer que je n’avais pas été dans le tempo, et qu’il me fallait d’abord lire ce document avant de poser la question.

Dans ce cas, effectivement, le lien avec la notion de sens n’est pas du tout évident pour un profane comme moi (mon niveau en psychologie est pire que rudimentaire). Comme tu dis si bien :

L’habitude n’est que la forme concrète que prend l’action qui n’est jamais unique et tombée du Ciel mais toujours bâtie à partir d’un répertoire d’actions disponibles en tant que et parce que habitudes.

Cette unité qu’est l’action incarne le sens. Tout est là.

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A mon niveau de compréhension, à ce stade du moins, je reconnais que les deux notions « sens » (compréhension, attribution d’une valeur, action) et « habitude » (action répétée) sont liées mais je ne dirais pas qu’elles sont la même chose.

D’où une question sur l’inné et l’acquis. Pour les jeunes humains, en construction, peut-on déjà parler d’habitude ? Le sens qu’ils donnent aux stimuli sensoriels qui les assaillent évolue-t-il progressivement, linéairement ? A partir de quand peut-on considérer qu’on n’évolue plus, qu’on est figé dans des habitudes conscientes ou inconscientes ?
Bon, en fait, il y avait plusieurs questions …

Lorsque je ne considérais que le sens au sens de compréhension, donc dans le champ cognitif, j’ai expliqué que le schème (l’habitude dans son organisation et fonction cognitives) EST le sens. Dès lors qu’il apparaît que le sens se situe aussi sur les versants affectifs et conatifs alors, on peut aller directement à l’idée que le sens, dans sa plénitude de sens, cad, lorsqu’on rassemble l’ensemble de ce qu’il signifie, se trouve incarné par l’habitude en tant qu’il s’agit d’une action bien identifiée en tant que, justement, elle se répète et fait habitude.

Bref, si tu veux dire que l’habitude n’est pas la réponse à la question « qu’est-ce que le sens ? », alors peut-être tu pourrais voir où réfuter ce que j’ai pu avancer ici ou là.
Pour le moment, ta réaction peut se comprendre plus simplement comme le fait que tu n’avais jamais conçu la nature du sens sous cet angle et que la chose te laisser perplexe en raison de l’écart que cela amène avec… tes habitudes de pensées ; mais cela ne constitue, bien sûr, qu’une sorte de réticence confuse, pas une objection, pas une réfutation, n’est-ce pas ?

En effet. J’exprime une surprise face à une affirmation qui est nouvelle pour moi. D’ailleurs, j’avais écrit « à mon niveau de compréhension » et « à ce stade » pour modérer ma réaction d’étonnement.

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Dans le contexte de notre réflexion sur le sens, je trouve intéressant de porte attention à une découverte étonnante qui a le mérite de télescoper au moins deux sens du mot « sens » à savoir celui relatif à la direction et celui relatif au sens que peut avoir ou non une activité donnée comme… l’art moderne.

Il s’agit en l’espèce d’une oeuvre d’art qui a été exposée à l’envers durant 70 ans. A première vue ça paraît incroyable mais c’est en même temps tellement révélateur de l’inanité (absence de sens) vers laquelle tend l’art moderne.

La question est donc celle-ci : est-ce que ça a du sens de produire des oeuvres d’arts tellement incompréhensibles dans ce qu’elles donnent à voir qu’on peut les exposer à l’envers pendant 70 ans sans que personne ne s’en aperçoive ?

Comme j’ai parlé d’inanité vous savez déjà ce que j’en pense, et vous qu’en pensez-vous ?

Dans une de ses conférences gesticulées, Frank Lepage a rapporté les propos d’un ancien directeur de la CIA qui déclarait que l’une des plus belles réussites de son service était d’avoir promu (et subventionné) l’art moderne.

En encourageant les artistes à produire du « caca » contre de grosses sommes d’argent, on avait détourné ces influenceurs de tous les sujets politiques. Les artistes avaient auparavant généralement été des subversifs ; ce sont aujourd’hui de dociles bourgeois.

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