"Qu'est-ce que la peur ?" Kfé Psy du vendredi 10 novembre 18h kiosque du Barachois, Saint Denis

Qu’est-ce que la peur ?

Dixit le Talmud : « Nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont mais telles que nous sommes ». Or, nous adorons les héros. L’imagination aidant nous nous en faisons une image idéalisée comme, par exemple, Bayard, dont l’histoire nous dit qu’il serait le chevalier « sans peur et sans reproche ». Sans reproche, soit, mais sans peur ? A part les soldats drogués qui vont au combat dans une parfaite indifférence (apparente) à la mort et, peut-être aussi des maîtres samouraïs ou autres combattants experts dans leur art, il me semble douteux qu’un guerrier puisse ne pas connaître la peur quand l’adversité met sa vie en péril imminent.

Si n’écoutant que son courage, il va au combat sans hésiter, sa conduite pourra laisser penser qu’il ne connaît pas la peur mais ce serait une erreur. Il y a toute raison de penser que, pour tout homme, la peur est présente dès que la mort approche et ce qui fait le guerrier est, avant tout, sa capacité à dominer sa peur et à faire ce qui doit être fait, quoi qu’il en coûte.

Je viens de parler de la peur d’une manière qui, je l’espère, fait sens. Mais pourtant je n’en ai donné aucune définition. Cela n’a posé aucun problème car nous savons tous ce qu’est la peur. Alors à quoi correspond exactement la question posée ? Que cherchons-nous exactement ? Nous savons bien qu’il s’agit d’une émotion ou plutôt d’une famille d’émotions car ses synonymes sont nombreux. Nous savons qu’elle peut-être très puissante et donc difficilement contrôlable… Et là, bingo ! Ce mot « contrôle » dit l’essentiel : si comprendre ce qu’est la peur nous intéresse, c’est probablement que nous souhaitons la mieux connaître afin de la contrôler mieux, n’est-ce pas ? La connaissance, c’est le pouvoir nous disent les philosophes, non sans raison.

Alors banco, mettons tout sur la table, tout ce que savons de la peur, l’expérience que nous en avons et tentons d’organiser cela afin de mieux discerner de quelles manières il serait possible de la contrôler, naturellement, sans substances psychoactives. Par les temps qui courent, cela pourrait se révéler utile vous ne pensez pas ?

Quoi qu’il en soit, il me semble qu’un critère probant de la réussite de notre enquête sera notre capacité à expliquer comment certains — de plus en plus nombreux dirait-on, à voir le succès des contenus horrifiques de Netflix — se font plaisir en se faisant peur. Ce n’est pas du tout mon cas, et vous ?

Si un combattant ne connaît pas la peur, c’est dramatique car il ne pourra pas profiter de la production naturelle d’adrénaline et de l’effet stimulant de cette substance sur le fonctionnement de son corps. Sa peur, il sera moins performant et risquera donc davantage de périr ou, plus simplement en sport de combat, d’être vaincu. La peur est utile, indispensable même ! C’est ce que je n’ai cessé de répéter à tous mes élèves et partenaires d’entraînement pendant des décennies.
Toutefois, je sais aussi qu’elle peut aussi s’avérer bloquante chez certains. C’est un cheminement que d’apprendre progressivement à la maîtriser efficacement.

Il faut aussi savoir que la peur inhibe le fonctionnement du néocortex et donc qu’on ne réfléchit plus quand on est dans la peur. C’est une méthode de contrôle des population bien connue de nos gouvernements (et expliquée lors du procès de Nuremberg). Les informations quotidiennes anxiogènes (notamment à la télévision) ont pour but de faire peur à la population qui cherche alors un Etat qui la protège (puisqu’il est interdit aux « citoyens » de posséder une arme pour se défendre eux-mêmes). Tactique bien connue de la mafia aussi : créer un problème (des briseurs de vitrines ou, dans le cas d’un Etat, des attentats terroristes, par exemples) et ensuite se présenter comme solution à ce problème (avec la protection d’hommes de main ou, dans le cas d’un Etat, des lois de surveillance généralisée).

Ce n’est pas du tout mon cas non plus. J’accepte volontiers d’avoir peur mais pour ces causes réelles. Par contre, je m’étais interrogé sur le succès des films d’horreur auprès des adolescents voici des décennies en arrière et j’étais finalement tombé sur une explication (qu’il faudrait vérifier). Chez les jeunes gens, prompts à produire des hormones en quantité, la peur stimule aussi la production de dopamine. Or, c’est justement l’hormone du plaisir immédiat.

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J’ai plussé mais finalement je vais être en désaccord avec toi sur quasiment tout.

Je considère qu’il est erroné de dire que la peur est utile. C’est quelque chose de spécifique, cad, une émotion issue d’une anticipation du mal qui pourrait arriver et qui nous envahit en suscitant des réactions inadaptées qui peuvent être préjudiciables.

Elle n’est pas nécessaire à l’engagement total qui peut se réaliser par la seule évidence de ce qui est exigé par la situation présente. Par exemple, se trouver face à un serpent prêt à mordre ou gérer une chute en train de se dérouler, etc.
Dans ces situations, on a pas le temps de penser, donc pas le temps de se faire peur, on est dans l’action, à 100% parce que notre attention est prise à 100%. Quand on a peur, c’est de manière rétrospective, en pensant à tout ce qui aurait pu nous arriver de bien plus désastreux.

L’inhibition du néocortex, c’est des salades de neuromachins (comme je les appellent). La peur est un produit de la pensée. Si elle « court-circuite » la réflexion c’est que son intensité nous pousse à l’action afin de régler le problème. D’où la propension à se saisir de la première solution qui se présente, même si elle a une longue mèche oblique, une petite moustache et parle en criant. :wink:

Enfin, comme pour la réduction neuronale qui est toujours une erreur, la réduction hormonale du comportement, c’est juste des salades, un peu comme si des mécaniciens venaient t’expliquer pourquoi en voyage tu as pris la route de Rome plutôt que celle de Venise. De quoi je me mêle ? Occupez-vous de mécanique (biologique) et foutez nous la paix à nous qui avons un esprit ! :slight_smile:

Les jeunes aiment l’intensité, ils y trouvent une ivresse qui les porte à la vitesse par exemple mais aussi aux films d’horreur car la peur est intense en même temps qu’elle est vécue dans une parfaite sécurité. C’est ça le bonheur d’avoir peur : d’éprouver une intensité rare dans nos vies de civilisés bien « encadrés » ou, pire, bien « formatés » :wink:

Dans la nature, si cela n’a pas une utilité pour la survie, il y a de fortes chances que cela ne résiste pas au temps, à la sélection naturelle.
En l’occurrence, la peur, c’est-à-dire la conscience d’un danger, déclenche la production d’adrénaline qui va aider soit à la fuite soit au combat.

C’est une autre expression de la peur. Pour le coup, un terme spécifique pourrait être nécessaire à sa nomination. A défaut : « peur rétroactive » peut-être.

Tu évoques peut-être plus l’exploitation politique d’une colère collective (contre le Traité de Versailles de 1919 et ses conséquences économiques sur l’Allemagne) qu’une peur collective. En l’occurrence, c’est une manipulation des foules bien orchestrée. Pas vraiment quelque chose de naturel ; si ce n’est l’instinct grégaire.

Cette « ivresse », n’est-ce pas justement la dopamine ?