Presse bourgeoise et intersyndicale, même combat !

Dans une mise en abyme façon poupées russes, je me permets de citer ci-dessous in extenso l’ami Alain citant son ami Jeff, d’Attac, critiquant l’ami Frédéric Lordon critiquant et l’intersyndicale qui a perdu son orient et la presse bourgeoise qui l’a gardé…

Mon but est tout simple : faire apparaître qu’au-delà d’analyses assez convenues au final (on l’a connu meilleur), Frédéric Lordon nous livre, manifestement à l’insu de son plein gré, une vérité d’airain qui l’eût éreinté s’il l’avait bien entendue . La voici, je cite :

« La condition nécessaire de l’espoir, d’une perspective, c’est de se diriger vers ceux que [la presse bourgeoise] exècre »

Et là, comme disait Coluche, je vous le donne Emile : qui la presse bourgeoise exècre-t-elle le plus ? Qui, donc, incarnerait le mieux « la condition nécessaire de l’espoir », si ce n’est ce qu’il est convenu d’appeler l’extrême droite, la pire (et donc la meilleure ?) étant celle des complotistes jugés (et condamnés) comme Alain Soral ?
Ne serait-il pas là notre orient salutaire pour autant que Frédéric Lordon ait raison sur ce coup là ?
On me dira, bien sûr, que je délire, que je ne peux pas comprendre les choses ainsi. Mais ce ne serait qu’une pensée jaculatoire, un voeu pieu. Car, non seulement on PEUT comprendre les choses ainsi mais on DOIT comprendre les choses ainsi.

La preuve en étant que s’il est une chose que la presse bourgeoise exècre férocement, c’est bien celle que l’intersyndicale exècre aussi le plus férocement : encore une fois cette maudite extrême droite qui, en faisant l’unanimité contre elle, montre bien que l’intersyndicale mène le même combat que la presse bourgeoise : elle défend l’ennemi de l’extrême droite, surtout la pire. Et quel est-il cet ennemi ?

Facile : celui qu’on ne peut pas nommer mais que dans un grand élan d’audace gélatineuse Flamby s’est permis de désigner comme son adversaire : la finance internationale.
D’icelle, Lordon, Attac, l’intersyndicale et toute la gauche et la droite bienpensantes n’ont rien de plus à dire ou à redire que la presse bourgeoise.
C’est l’électroencéphalogramme plat, chacun regarde ailleurs car chacun sait que là est le vrai pouvoir et il ne s’agirait pas de s’en faire un ennemi.
Alors on danse,
on parle,
on fait semblant…
Et le bon peuple, lui, se prend deux ans fermes en plus !
Passée la Borne, il n’y a plus de limites.
Bientôt le Grand Reset…
Ya d’la joie,
mais, je le crains, ça va plutôt finir comme le "je chante" du fou chantant,
à moins que nous en restions au cycle éternel de la violence si joliment dessiné par cette chanson, dans une version française, pour… Marlène Dietrich (et oui, décidément, l’extrême droite… :wink: )

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Bonjour,

Perso, je pense comme Lordon ! Mais je suis un retraité impuissant, juste présent pour faire le nombre et abonder à la caisse de grève… Il me reste que les souvenirs des luttes depuis 68 !

Commentaire de Jeff : Bon, OK, il n’a pas tort, mais pas complètement raison non plus. Berger n’a pas démérité sur cette action, ni plus ni moins que ses camarades et concurrents des autres syndicats, et pourtant je suis loin d’être un inconditionnel du bonhomme. Il a su ne pas tomber dans le piège des médias « la voix de son maître » qui en l’invitant tout le temps tentaient de le faire passer pour « le chef du mouvement » et de le retourner, ce qui aurait cassé l’unité syndicale aussi sec. Mais ni lui ni ses confrères n’ont fait la moindre allusion à la possibilité d’éventuellement appeler à la grève générale, laissant le soin aux plus motivés de leurs troupes de se lancer dans des actions plus dures…et d’en prendre plein la gueule. Dont acte.

Là où Lordon se plante à mon avis c’est qu’un syndicat n’est pas un parti politique et que le conflit actuel va bien au delà des revendications syndicales classiques. Il n’y a plus d’équivalent des partis socialistes ou communistes d’antan pour reprendre l’action sur le terrain politique, les Mélenchon et autres sont aux abonnés absents. Ils en sont déjà à la campagne 2027, ils ne veulent pas griller leurs cartouches trop tôt. Et il a fallu que ce soit un improbable Charles de Courson, notable de province et centriste bon teint, pour trouver que sur ce coup là la démocratie parlementaire à l’européenne était par trop bafouée, et reprendre le combat sur le terrain politique avec ses armes à lui. Qui valent ce qu’elles valent, mais à défaut d’autre chose on prend ce qu’on a sous la main. J’aurais vécu assez vieux pour voir ça… :flushed:

J.F.

Alain, Attac Réunion


Vouloir perdre, vouloir gagner

par Frédéric Lordon, 24 mai 2023

Quand un pouvoir en est à redouter des casseroles, des bouts de papier rouges et des sifflets, c’est qu’il est au bord de tomber. Est-on fondé à se dire. Et pourtant il tient. Il tient parce que des institutions totalement vicieuses le lui permettent. Parce que toute moralité politique, tout ethos démocratique, l’ont abandonné. Parce qu’il est aux mains de forcenés qui n’ont plus aucune idée de limite.

Il tient aussi parce que les conducteurs du mouvement – pour parler clair, l’Intersyndicale – n’ont pas eu le début du commencement d’une analyse de l’adversaire, et persistent dans une stratégie désormais avérée perdante – on n’avait d’ailleurs nul besoin de passer quatre mois à le vérifier : on pouvait le leur dire dès le premier jour. Les stratégies de la décence démocratique, par la seule manifestation paisible du nombre, échouent là où, en face, il n’y a plus que de l’indécence démocratique.

Partie pour perdre

Comme il était clair depuis ce même premier jour à qui n’avait pas envie de se raconter des histoires pour enfants, l’Intersyndicale était partie pour perdre. C’est bien ce qui l’a rendue si sympathique aux yeux des médias. Quand elle se penche sur les forces de gauche, la presse bourgeoise n’a d’yeux et de sentiment que pour celles qui sont de droite ou pour celles qui sont perdantes. C’est une loi absolument générale que la presse bourgeoise est une instance de consécration négative. La chose vaut en matière de littérature, de pensée, d’art, comme en politique : ceux que la presse bourgeoise bénit, par là on connaît leur « valeur », et aussi leur destin — entre innocuité, phagocytose et renégation. La condition nécessaire de l’espoir, d’une perspective, c’est de se diriger vers ceux qu’elle exècre.

La presse a d’emblée adulé l’Intersyndicale Berger. Son sort était scellé. Avec Laurent Berger, le conflit social s’était doté d’un étonnant leader. Un leader capable de prononcer une phrase aussi avariée que « La gauche s’est fait piéger dans l’idée que le travail est un lieu d’exploitation et d’aliénation » — à l’époque du capitalisme le plus furieux, le plus destructeur, qui s’est donné pour nouvelle frontière le travail des vieux jusqu’à la mort, et y ajoutera bientôt celui des enfants ! Un leader de conflit qui hait le conflit. Et n’était par conséquent déterminé à aucun affrontement d’aucune autre sorte que symbolique.

Les démonstrations symboliques n’ont d’effet qu’auprès de protagonistes sensibles aux démonstrations symboliques

Tragique erreur : les démonstrations symboliques n’ont d’effet qu’auprès de protagonistes sensibles aux démonstrations symboliques. Et sinon, elles sont grotesquement inefficaces. On pense à ce film où le héros est confronté à un adversaire qui tente de l’impressionner avec une démonstration d’art martiaux supposément intimidante — à ce stade, donc, essentiellement symbolique. Le héros sort un pistolet, boum, par terre le démonstrateur symbolique. Pareil avec Bruce Berger. C’est bien pourquoi on pouvait prédire dès janvier qu’aligner répétitivement des millions de manifestants dans les rues ne conduirait à rien. Les gesticulations, en face, ils s’en foutent.

Le mouvement imperdable

C’était pourtant le mouvement imperdable. Une conjonction comme on n’en avait jamais vue : une réforme inique, indéfendable, un pays exaspéré de la destruction néolibérale, un président haï, un pouvoir d’une brutalité qui indigne le monde entier, des sondages d’opposition à des niveaux inouïs, une colère noire partout, accumulée depuis des années. C’était le mouvement imperdable, et s’il reste aux mains de cette Intersyndicale il sera perdu.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, on ne passe pas sans solution de continuité d’un affect de colère noire, fût-il à l’échelle du pays entier, à un mouvement social gagnant. Il y faut un opérateur de conversion : c’est-à-dire un pôle capable de convertir un affect commun, ici d’une rare intensité, en une force politique effective. C’était la responsabilité de l’Intersyndicale, et c’est son échec. C’était sa responsabilité historique : mettre en forme, stratégiquement, la puissance du nombre pour mettre un coup d’arrêt au néolibéralisme. L’enjeu était même plus grand encore : poser une victoire de gauche, seule à même d’enrayer la dynamique de fascisation à qui toutes les colères profitent autrement. Or, l’Intersyndicale aura été la fabrique de l’impuissance. Elle a certes produit le nombre, mais du nombre vain, du nombre inutile — du nombre qui perd.

Et pourtant, le nombre ne se résigne pas à perdre. Les casserolades sont devenues le symbole admirable de cette combativité qui ne désarme pas. Paradoxe (ça n’en est pas un) : on y retrouve bon nombre de syndiqués, de la CGT, de Sud, en cherchant bien on y dégoterait même un peu de CFDT. Les casserolades c’est la vraie Intersyndicale : l’Intersyndicale par le bas. En mieux même : ouverte au monde extra-syndical, activistes d’organisations variées (c’est tout de même Attac qui a lancé le mouvement), citoyens ordinaires. Un laboratoire. Qui illustre cette vérité ambivalente que l’auto-organisation n’a besoin de personne… et cependant qu’elle a aussi besoin d’un pôle.

Pour peu qu’on les regarde avec deux sous de lucidité, en effet, les casserolades, si merveilleuses soient-elles, sont vouées à l’extinction. Pour une raison simple, toujours la même : on « n’y va pas », ou on « n’ira plus », si on se sent seuls à y aller, et surtout s’il n’existe aucun débouché, aucune perspective stratégique de victoire pour soutenir la mobilisation dans le temps. Alors, logiquement, l’effort s’étiole, et les casserolades séparées s’éteignent les unes après les autres.

La faute la plus impardonnable de l’Intersyndicale, c’est de n’avoir à ce point rien fait d’une telle abondance d’énergie politique — c’est d’avoir failli comme pôle de la mise en forme stratégique. La nécessité d’un pôle est une nécessité logique. Sauf à croire aux miracles de la coordination spontanée à grande échelle, seul un pôle peut agréger les multiples puissances locales, autrement vouées à demeurer éparses, en une puissance globale, et ceci en leur proposant une direction stratégique. Une direction que tout le monde regarde et à partir de laquelle, la regardant, tout le monde se coalise réellement, dans une action puissante.

La grève reconductible (solution logique, solution refusée)

La solution polaire, la solution de puissance coalisée était évidente — en fait, il n’y en avait qu’une : la grève, sinon générale, du moins aussi étendue que possible et reconductible. C’est bien ici que se fait connaître et le pouvoir et la responsabilité du pôle : la coordination — encore. Définitivement échaudés par « la grève par procuration » de 2010, qui avait vu certains d’entre eux se lancer pour se retrouver isolés et abandonnés, les secteurs maintenant se regardent les uns les autres en attendant pour bouger une garantie que tous bougeront. Seul un « centre » peut la leur offrir… pourvu qu’il parle. Et même qu’il parle fort, quand il faut venir à bout du souvenir de tant de conflits perdus, de tant de « sorties » pour rien.

Mais le centre est resté muet, ressassant lui-même la complainte de l’inanité des « appels dans le vide ». Les appels en soi, sans doute, à plus forte raison du dehors. Cependant qui appelle ne ferait-il pas une petite différence ? Par exemple lorsque « qui » est une Intersyndicale — plutôt qu’un meeting parisien.

« Solution de papier et d’incantation », persiste malgré tout la « voie institutionnelle » (« on va se faire entendre », « on va être exemplaires, on aura le soutien des médias », « on va parler aux partis », « on va impressionner l’Assemblée »). Interrogée par Mediapart, Sophie Binet déroule à nouveau l’argumentaire automatique du ne-rien-faire : « Il n’y pas de bouton “Grève générale” sur lequel il suffirait d’appuyer », « Les transformations du monde du travail, son atomisation notamment, y font de toute manière obstacle ». Le pire étant que cet argumentaire n’est pas absolument faux. En effet, le monde du travail n’est plus celui du fordisme, et en effet il n’y a nulle part de « bouton ». Mais il y a des conjonctures, qui interdisent de répéter à l’identique les bonnes raisons de la passivité. Or, celle de 2023 est inédite — à l’échelle des trente dernières années. Elle rend à nouveau possibles des choses encore impossibles il y a peu. Au moins elle justifiait d’essayer.

Quand on est un pôle, on sait qu’on fait de la politique. Donc qu’une initiative risque toujours d’échouer. Mais aussi qu’il se présente des situations où le risque en vaut néanmoins la chandelle. C’était le cas. Au moment du 49.3, la colère est portée à un point d’incandescence. La fenêtre s’ouvre. Les énergies sont décuplées, se cherchent des points d’application. Les manifs nocturnes fleurissent spontanément, les rues de Paris sont en flammes, de très belles images qui ne manqueront pas d’impressionner Fitch.

Jamais de telles conditions n’avaient existé pour qu’un appel, lancé depuis le pôle, ait autant de chances d’être entendu. Un appel clair et puissant, résolu, qui dise l’armement des caisses de grève, la nécessité et la possibilité que les énergies salariales se donnent une forme coalisée dans le grand débrayage, qui dise surtout que la grève soutenue, coordonnée à grande échelle, a les plus grandes chances de faire plier le camp d’en-face, que cet effort-là ne sera pas vain comme les journées passées à arpenter.

Mais l’Intersyndicale est Berger. Et Bruce n’ira pas au-delà de la gesticulation symbolique. Car il est bien élevé. Et nous constatons, une fois de plus, à quoi conduit de se soumettre aux médias comme arbitres des élégances : à la défaite. Mais à la défaite avec les félicitations du jury. Alors on peut rentrer content de soi à la maison.

Eh bien non, il n’y a pas de quoi être content. Perdre avec le respect de la bourgeoisie, c’est perdre deux fois : avec les honneurs de la bourgeoisie, en plus d’avoir été défait. Et en ayant oublié Flaubert : « les honneurs déshonorent ».

Une stratégie phasée

On pouvait accorder du bien-fondé à la stratégie de l’Intersyndicale, à la condition qu’elle-même la considérât comme phasée : un premier temps de pure construction du nombre et du capital symbolique était utile. Mais ceci supposait que l’Intersyndicale serait capable de se transcender elle-même et, passé le premier temps de construction, d’entrer dans une deuxième phase, de pivoter, de faire quelque chose du nombre construit. C’était trop demander.

Le moment pourtant lui a été désigné : 16 mars, 49.3. Pour son malheur, l’Histoire, dont on, dit usuellement qu’elle ne repasse pas les plats, pourrait bien rouvrir une fenêtre. Voici la proposition de loi d’abrogation LIOT. Et surtout son devenir probable : votée à l’Assemblée, elle sera rejetée au Sénat, mais avec interruption violente du processus parlementaire par refus de convoquer une commission mixte paritaire. À supposer d’ailleurs qu’elle ne soit pas d’emblée escamotée au prétexte de l’article 40. Dans tous les cas, ce sera un nouveau coup de force, semblable en niveau d’outrage à celui du 49.3. La colère est encore rougeoyante, bienvenue au litre d’alcool à brûler.

Il a toujours mieux valu des unités moindres mais combatives que des unités larges mais désireuses de perdre, en tout cas de ne rien faire de ce qui était requis pour vaincre

Cette loi LIOT, quel fléau pour l’Intersyndicale — qui l’oblige à faire quelque chose là où elle n’a envie de rien faire, qui lui tend des opportunités qu’elle n’a aucun désir de saisir. Car nous savons qu’en l’état, l’Intersyndicale ne fera rien de plus de cette deuxième fenêtre miraculeuse. Sauf à ce qu’elle mute : en se séparant de la CFDT, et en se resserrant comme bloc enfin combatif. Évidemment, pour en trouver les voies, il faudrait rompre avec le fétichisme de « l’unité », c’est-à-dire être capable de ne pas se laisser impressionner par les larmes de crocodile médiatiques, qui ne manqueraient pas de prononcer la fin de tout sitôt le départ de Berger, le doudou de la défaite avec les honneurs. L’« unité », ce talisman mensonger. Il n’y avait pas d’« unité » en 1995. Et 1995 a gagné – pour cette raison même : il a toujours mieux valu des unités moindres mais combatives que des unités larges mais désireuses de perdre, en tout cas de ne rien faire de ce qui était requis pour vaincre (comme d’élargir la revendication à l’indexation des salaires, cet embrayeur irrésistible). L’unité intransitive, l’unité pour l’unité, est un mirage. On comprend que les médias mettent tant d’efforts à nous la rendre si précieuse.

Ce mouvement imperdable, mais dont les conducteurs ont tout fait pour qu’il perde, n’a donc pas encore perdu. Pour peu que le pôle démissionnaire se restructure en pôle résolu — à remettre la grève à l’ordre du jour. On reste songeur que cette solution ait été aussi obstinément évacuée. N’était-elle pas la seule stratégie de puissance, d’ailleurs doublement préférable puisque son efficacité est établie et qu’elle minimise l’engagement violent — à cet égard, elle est vraiment la dernière station avant l’autoroute insurrectionnelle. Car tous ceux qui ont vu leur énergie absorbée par le vortex de l’impuissance en tireront, ont déjà commencé à en tirer, des conclusions. L’Intersyndicale Berger qui a de la « condamnation de toutes les violences » plein la bouche aurait dû « logiquement » faire un effort non seulement pour considérer la grève dure, mais pour la promouvoir ardemment. Au lieu de répéter bras ballants que « les gens sont très en colère ». Et de les y abandonner sans solution.

On peut supposer que la profondeur des organisations syndicales ne manque pas de militants déterminés, qui observent consternés l’impasse où leurs dirigeants les ont conduits. De la liste, qu’on croyait enfin terminable, des défaites syndicales enfilées comme des perles depuis 2010 (les retraites, déjà), celle de 2023 restera comme une sorte de joyau de la couronne. Le scandale des institutions, c’est le gaspillage qu’elles font du dévouement de leurs membres : tous ces piquets à l’aube, tous ces salaires abandonnés, tous ces coups reçus dans les déblocages, toutes ces intimidations judiciaires. Pour rien ?

Il n’est nullement fatal qu’il en soit ainsi, même encore aujourd’hui. Pendant quatre mois, il faut se souvenir que ce pouvoir a été d’une certaine manière un allié objectif, aussi puissant qu’inattendu, des mobilisations : par le spectacle continu de son infamie et le sentiment de scandale qu’il n’a cessé de nourrir. Ce « naturel » là n’est pas près de faire défaut.

La voie de la grande grève n’est pas fermée pour peu qu’un nouveau pôle vienne à se former, quitte d’ailleurs à ce que ce soit à partir de l’ancien. Un pôle qui soit capable d’analyse. Analyse stratégique de ce qu’il est permis d’espérer comme compromis significatif dans le jeu policé (et frelaté) du « dialogue social » — rien —, et de ce que ce « rien » détermine comme seule issue conséquente : une ligne d’affrontement autre que « symbolique ». Et puis analyse tactique de ce qu’une conjoncture à la fois fluide et inflammatoire peut réserver d’opportunités. Pour que, si venait à s’ouvrir une nouvelle fenêtre, cette fois elle soit prise.

Frédéric Lordon

– « ceux qui produisent tout n’ont rien et ceux qui ne produisent rien ont tout » Marius, Alexandre Jacob –

Liste de diffusion d’Attac La Réunion

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Je remet ce passage :

« La condition nécessaire de l’espoir, d’une perspective, c’est de se diriger vers ceux que [la presse bourgeoise] exècre »

Et là, comme disait Coluche, je vous le donne Emile : qui la presse bourgeoise exècre-t-elle le plus ? Qui, donc, incarnerait le mieux « la condition nécessaire de l’espoir », si ce n’est ce qu’il est convenu d’appeler l’extrême droite, la pire (et donc la meilleure ?) étant celle des complotistes jugés (et condamnés) comme Alain Soral ?
Ne serait-il pas là notre orient salutaire pour autant que Frédéric Lordon ait raison sur ce coup là ?
On me dira, bien sûr, que je délire, que je ne peux pas comprendre les choses ainsi. Mais ce ne serait qu’une pensée jaculatoire, un voeu pieu. Car, non seulement on PEUT comprendre les choses ainsi mais on DOIT comprendre les choses ainsi.

Le problème c’est que Lordon, et moi aussi d’ailleurs, savons pertinemment que c’est bien la gauche que les médias mainstream exècrent et pas l’extrême droite ! Le système néolibéral (et ses valets revoir : L’affrontement, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 29 mars 2023)) s’accommodera très bien du RN et pas du tout d’un « vrai » pouvoir de gauche. On se rappelle la fausse tirade de Hollande « mon ennemi c’est la finance » qui elle (eux) n’a pas sourcillé"…

Comme disait ma grand-mère, mieux vaut en rire qu’en pleurer. La presse, bourgeoise par nature depuis quelques bonnes décennies, est aux mains d’une élite qui penche gravement sur le versant progressiste. Depuis que Wall Street a financé la révolution bolchévique, la gauche est le meilleur allié de la finance internationale, d’abord parce que son progressisme est anti-national, il est internationaliste, donc mondialiste, comme le capital.
Ton propos est d’assez mauvaise foi car tu sais bien que la gauche a droit de cité partout dans la presse alors que l’extrême droite est tolérée à la marge, juste ce qu’il faut pour la mettre minable ou la diaboliser, mais en vain, ça c’est clair vu la situation actuelle.
Je ne change pas un iota de ce que j’ai écris dans lequel je faisais déjà référence à la fameuse « vraie » tirade de Flamby (de gauche, je te rappelle).
Il n’y a pas de vrai pouvoir de gauche. Néant. Nada. Du pur fantasme.Tu ne peux pas me citer un homme ou un courant de gauche qui ne soit pas déjà intégralement discrédité de la tête au pied par ses positions ou ses liens avec, par exemple, la franc-maçonnerie.
Tout ce qui a pignon sur rue actuellement en France est compromis.
Pour trouver des honnêtes militants, il faut chercher parmi ceux qui sont hors courant. Je pense aux Gilets Jaunes, à toute la mouvance antivax ou anticovid, à ceux qui croient encore à la démocratie avec mandat impératif (donc non représentative).
Il n’y a pas là de « gauche », encore moins un « vrai pouvoir de gauche ».
C’est le bon peuple, qui, pour son malheur, part encore dans tous les sens, trop enclin qu’il est à se faire encore des illusions sur la bienveillance de ceux qui sont au – ou qui veulent le – pouvoir. ça change doucement, mais il y a encore du boulot et c’est pas la gauche qui va y aider. Il n’est que de voir où est la gauche relativement à l’agression otanienne contre la Russie…

https://lesakerfrancophone.fr/les-medias-institutionnels-sont-en-voie-dextinction

Si je peux me permettre de m’immiscer dans votre débat, @eccolulo et @alainmouetaux , il me semble important de faire la distinction entre :

  • « gauche » authentique ou « gauche » historique
  • et « gauche » actuelle.

Historiquement, la « gauche », c’était la défense des travailleurs non-propriétaires, des prolétaires, contre les propriétaires du capital (capitalistes, bourgeois ou, dans certains pays comme l’Espagne, des aristocrates, propriétaires fonciers depuis des générations).

En France, on peut considérer que la « gauche » véritable a cessé d’exister parmi les partis politiques à partir de l’élection de 1981 ou disons plutôt, en 1983, lorsque les ministres du PC ont claqué la porte. A partir de là, François Mitterrand a montré son vrai visage, celui d’un homme de droite, comme tous les élus en France à partir d’un certain niveau de responsabilité. Comme les autres, il s’est mis au service de la finance apatride ; et avec un inébranlable héraut de cette finance apatride à ses côtés : Jacques Attali.

On pourrait peut-être se poser la question avec le parti politique d’Arlette Laguillier puis de Nathalie Arthaud, Lutte Ouvrière, mais quand bien même ses cadres seraient sincères, je crains qu’ils n’aient pas bien compris qui était Trotski dont ils se réclament : un pur agent du capitalisme financier apatride.

Je ne m’étendrai pas sur :

  • le clone de Lutte Ouvrière, NPA, qui est une construction en doublon, créée sans aucun doute pour diviser le maigre nombre de militants et pour mieux les infiltrer (il n’y a qu’à voir le CV du soit-disant « facteur » qui dirigea ce parti)
  • et encore moins sur le parti (porteur de différents différents noms successifs) dirigé par Jean-Luc Mélenchon, compte tenu du pédigrée de son chef : franc-maçon depuis trois générations et ami proche (pour ne pas dire admirateur) de feu Serge Dassault (alias Serge Bloch).

La « gauche », faute de garder le cap et de défendre les ouvriers et autres travailleurs pauvres, s’est choisie de fausses luttes, de fausses défenses « des minorités » (en commençant par « l’antiracisme » sous Mitterrand-Attali puis le « féminisme », pour finalement évoluer vers la défense et la promotion des LGBT+ en attendant la défense des « pédophiles » et des « zoophiles »).

Dans ce magma sordide et pathétique, j’ai toutefois perçu une lueur d’espoir lorsque j’ai écouté les déclarations de « l’assemblée des assemblées » de « Gilets jaunes ». C’était de l’authentique démocratie, je dirai même de l’anarchie (démocratie jusqu’au consensus) ! Carrément émouvant !

Malheureusement, ce mouvement a été :

  • infiltré par les renseignements policiers,
  • discrédité par les médias (la « Pravda des milliardaires ») qui ont traité les « Gilets jaunes » tantôt d’ultra-gauche et tantôt d’ultra-droite,
  • et récupérés par les partis politiques (financés par les banques) tels que La France Insoumise.

Il n’y a de « gauche » que le peuple mais je crois, hélas, que le peuple français n’a pas encore assez souffert pour s’éveiller.

Je recommande le visionnage d’un certain nombre de vidéos que j’ai collectées dernièrement ici pour appréhender ce qu’est la vraie « gauche » qu’on pourrait tour à tour nommer « anticapitalisme » (ou « anarcho-communisme ») à Marinaleda ou bien « zapatisme » (ou « anarcho-indigénisme ») au Chiapas.

Ce sont dans les deux cas (Marinaleda en Espagne et le Chiapas au Mexique) des paysans sans terre qui ont exproprié des grands propriétaires terriens (respectivement des aristocrates et des bourgeois) pour s’approprier collectivement la terre qu’ils travaillent. Ils y appliquent l’autogestion, l’entraide, les assemblées de villages à démocratie directe, le plein emploi, le même salaire pour tous, etc.

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Un commentaire complémentaire sur la prétendue « extrême droite » incarnée par Alain Soral

(Marine Le Pen, on l’aura compris, n’étant qu’un « épouvantail », une opposition contrôlée/un contrôle de l’opposition, servant la cause du pouvoir pour que les électeurs votent « contre » elle et non « pour » le candidat du système … mais au final, c’est le candidat de la finance internationale/apatride qui sort toujours vainqueur).

Égalité et Réconciliation co-fondée et dirigée par Alain Soral est « une association politique », nous dit Wikipédia, mais elle n’est pas d’extrême droite contrairement à ce qu’affirme la presse (propriété privée des milliardaires c’est-à-dire de « notre ennemi la finance internationale »).

Égalité et Réconciliation, c’est la (je cite) Gauche du travail, Droite des valeurs : pour une réconciliation nationale !

C’est cela que la presse/propagande et les milliardaires exècrent : un peuple uni ! Un peuple de travailleurs, un peuple ayant une conscience morale, un peuple réconcilié ! Un peuple qui ne soit plus artificiellement coupé en gauche/droite, ou toutes les autres déclinaisons que la finance internationale pourra imaginer : hommes/femmes, chrétiens/musulmans, hétéros/homos, noirs/blancs, etc.

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