Misère de l'anarchisme !

L’inverse est aussi vrai.

La conversation n’a cependant pas été stérile de mon point de vue puisqu’elle m’a amené à clarifier la définition, à trier les différents courants, à me situer par rapport à ces différentes nuances (quel moyen et quel objectif), à devenir plus vigilant vis-à-vis des récupérations et des influences parasites, etc.

Ils viennent cependant confirmer le fait qu’un individu puisse se soumettre volontairement à un groupe parce qu’il s’agit de son intérêt très égoïste. Pas besoin d’être un saint (au contraire) pour accepter les règles d’un groupe.

Elle parle de gestion des communs dans une structure de décision horizontale.
Le terme d’anarchie n’est pas utilisé mais c’est pourtant ainsi que fonctionnent les zapatistes du Chiapas (pour ne citer que le plus gros exemple contemporain d’anarchisme).

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Je viens de relire les échanges du fil de discussion Anarchie ou hiérarchie? qui :

  1. avaient commencé par l’affirmation qu’il était nécessaire d’avoir une définition claire et unique du terme « anarchie » (malgré l’existence d’une véritable « constellation anarchiste » avec sa multitude de tendances) :
  1. et s’étaient conclus par l’affirmation selon laquelle un second obstacle s’immisçait dans la recherche de la vérité (concernant la réalité historique de l’anarchie ou au contraire son impossibilité) :

Je reviens donc aujourd’hui dans ce fil de discussion « Misère de l’anarchisme ! » et je constate que malgré les nombreux échanges (un record pour Ronkozé avec 173 commentaires) et la bonne volonté manifestée de faire émerger la vérité, on n’a pas réussi à trancher ; chacun restant finalement sur ses positions :

  • pour l’un « L’anarchie est une impossibilité théorique »
  • et, pour l’autre « L’anarchie a existé et existe encore à certains endroits. »

J’essaie de me souvenir où la bascule a eu lieu ; c’est-à-dire à quel moment, selon moi, on est entré dans une impasse malgré les efforts manifestés de part et d’autre.

Si je reviens ici malgré l’échec de conciliation, c’est:

  • certes, d’une part, parce que ce sujet me tient particulièrement à cœur
  • mais aussi, d’autre part, parce que j’essaie de comprendre pourquoi il peut arriver qu’on ne puisse pas aboutir à un consensus même lorsqu’on en a sincèrement l’intention.

En ce qui me concerne, après réflexion, le blocage est intervenu lorsque @eccolulo a affirmé quelque chose assez proche de :

« Les anthropologues (sous-entendu « anarchistes ») sont aveuglés par leur idéologie ».

Je pense n’avoir répondu que mollement :

« Cela va être difficile de continuer le débat. »

Je crois que j’aurais dû être plus intransigeant. On ne peut légitimement pas rejeter toutes les observations de terrain des spécialistes (*) sous prétexte que, « en théorie, l’anarchisme est impossible à appliquer ». C’est dogmatique. Cela relève trop d’une croyance.

Je concède que je n’ai pas répondu aux attentes d’@eccolulo qui souhaitait que je réfute son affirmation par une démonstration logique/théorique/rhétorique mais je considère que ce n’était pas nécessaire à partir du moment où une réalité concrète, observée, venait réfuter l’affirmation « L’anarchie est impossible ».

Le dissensus aurait dû être affirmé à ce stade et la discussion clôturée.

(*) Débat d’experts
Les profanes que nous sommes écoutent des experts aux analyses divergentes et se bâtissent ainsi leur opinion étayée.

Dans le cas du présent débat, il y a des spécialistes : les anthropologues (et éventuellement les politologues).

Ceux que j’ai cités et plusieurs autres (Pierre Clastres, David Graeber, James C. Scott, Piotr Kropotkine, Elysée Reclus, etc.) défendent bien évidemment l’existence de l’anarchie ou dit autrement, de la société sans État, sans chefs dotés de pouvoirs coercitifs ; une d’organisation politique étudiée en particulier par Francis Dupuis-Déri.

En antithèse, si j’ai bien compris, il y a les travaux de l’anthropologue, historien et philosophe René Girard dont les travaux ont porté sur l’anthropologie du sacrifice (« Le sacrifice protège l’homme de la violence ») et la théorie mimétique. Mais, pour le coup, à lui aussi on aurait pu rétorquer : « Il est aveuglé par son idéologie/sa croyance » (ce que laissent entrevoir les critiques issues du milieu universitaire).

Après la thèse et l’antithèse, il manquait la synthèse à ce fil de discussion.

Pour ma part, j’ai tiré deux réflexions de ce fil de discussion à propos des conditions de réalisation de l’anarchie (au sens de « système politique dans lequel les décisions collectives sont obtenues au consensus, sans chef(s) doté(s) d’un pouvoir coercitif »).

L’anarchie est possible :

  • avec un groupe de personnes limité jusqu’à un seuil équivalant approximativement au « nombre de Dunbar » (soit un groupe isolé de marginaux, soit avec de multiples groupes correspondant à l’échelon de base, de l’ordre de 150 personnes, dans un système de confédération de villages ou de communes)
  • et avec la gestion d’un « commun » par cet échelon de base (comme des terres agricoles dans le Chiapas moderne ou dans les villages médiévaux en France).

J’ai également noté que l’athéisme n’est qu’un ajout récent et forme un courant typiquement moderne de l’anarchisme.

Mais ce dernier est loin d’être le seul puisque les sociétés des peuples premiers (celles qui pratiquent ce que les anthropologues ou politologues qualifient d’anarcho-indigénisme) ne rejettent pas du tout le sacré, bien au contraire.

Les anarchistes athées, eux, rejettent l’institution cléricale (l’Église) qu’ils associent au pouvoir d’oppression (l’État). C’est là qu’ont pu se glisser des « infiltrés » (bolchevik par exemple) voulant détruire l’Église catholique sans pour autant être mus par la volonté d’instaurer un régime anarchiste, mais au contraire avec le désir d’installer leur système de domination (plus ou moins ouvertement celui des usuriers/banquiers.

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Désolé mais il n’y pas d’exemple avéré d’anarchie. Aucun cas réel n’en satisfait les critères. Ce sont seulement des choses qui, de loin, y ressemblent. Et de vagues assimilations empiriques ne réfutent pas une impossibilité logique.
Tu as reconnu être dans l’impossibilité de réfuter la contradiction que j’ai posée en logique. Je m’en contente ;-).
Que, dans le cours de la discussion j’ai pu pointer le caractère idéologique des propos de certains anthropologues ne change rien à l’affaire. Je ne fais qu’écarter un vain « argument d’autorité », pas une preuve logique.

Désolé mais je n’ai pas la même perception que toi.
Ou pas la même exigence ; considérant que l’anarchie relève plus, d’après les spécialistes, d’une « constellation anarchiste » avec des formes variées ou des courants différents.
Ceci dit, je ne suis pas sûr que ta définition étymologique (an- « pas » -archie « d’origine ») très personnelle serait admise par les politologues ou les anthropologues comme entrant dans cette « constellation » de courants.

Es-tu sûr que j’ai reconnu cette impossibilité ?
Je me souviens avoir essayé de te montrer la possibilité par des exemples concrets, tout en prenant aussi le temps d’argumenter (sur le mode de la logique, non ?), et finalement, avec l’intention de trouver un consensus/compromis, j’ai même tenté de présenter l’anarchie comme un objectif de perfection démocratique, … sans te convaincre le moins du monde.

Bon, ce n’est pas grave. On ne peut pas être d’accord sur tout.
Merci quand même d’avoir accepté de jeter un œil encore une fois à ce fil de discussion :wink:

Il me semble bien que tu as reconnu ne pas pouvoir faire cette démonstration en logique. Tu as seulement tenté de présenter des sociétés passées et/ou présentes comme étant « proche » de l’anarchie mais j’y ai vu des différences rédhibitoires pour ce qui est de « prouver » l’existence de l’anarchie. Voilà grosso modo ce dont j’ai le souvenir.

Bon, j’étais tenté d’évoquer l’inexactitude que je perçois dans le fait de rabattre l’anarchie sur un « objectif de perfection démocratique » mais je crois que c’est bon, on a assez donné, je vais m’en tenir à cette prise de position sans tenter un quelconque argument. L’important c’est de bien se situer respectivement.

Je reconnais en effet ne pas avoir fait de démonstration en logique. Mais je ne sais pas si c’est impossible à démontrer. Peut-être qu’un politologue ou un anthropologue pourrait le faire. Moi, comme dirait Topaze, « en dehors de ma classe, je ne suis bon à rien. ». Je me suis contenté de produire mes sources, ce qui m’avait convaincu.

Oui, c’est exact. Ce sont ces exemples (« proches de » l’anarchie ou « parfaitement » anarchistes) qui m’apparaissent comme de flagrantes preuves … mais qui pourtant, à tes yeux, contiennent (je cite) :

Et pourtant, les anthropologues que j’ai cités sont allés sur le terrain et ont donc observé non pas de loin mais de très près les organisations sociales sans État, que les anthropologues et politologues nomment anarchistes ou plus précisément anarcho-indigénistes, ces « chefferies » où les « chefs » conseillent mais n’ont pas de pouvoir coercitif (même pas les chefs de guerre, comme l’Apache Geronimo).

Je constate en définitive qu’il y a une (grande ?) part de subjectivité dans la perception. Cela m’évoque une citation de l’acteur Tomer Sisley à propos de la série « Messiah » dans laquelle il a tourné :

« On voit ce qu’on veut voir. ».

Ce qui, pour le coup, et sauf erreur de ma part, permet la transition avec le sujet Qu'est-ce que le sens ?, n’est-ce pas ?

On attribue au Talmud une formule beaucoup plus puissante à mes yeux :

« Nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont mais telles que nous sommes ».

C’est là où on retrouve l’habitude (ce que nous sommes) et (oui, tu as raison) le lien avec le sens puisque de nos habitudes dépend notre capacité à faire sens du tableau sensoriel à partir duquel nous sommes censés accéder à la réalité en en faisant sens (du tableau), justement :slight_smile:

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Nous avons déjà eu ces conversations et sommes entrés dans le détail. A chaque fois, on trouve la preuve par neuf qu’il ne s’agit pas d’anarchie et c’est souvent parce que ces sociétés vivent dans la hiérarchie du sacré, elles sont religieuses et à chaque fois, ça, tu t’empresses de le mettre dans ta tâche aveugle, tu détournes le regard comme si ça n’avait aucune importance (parce que ça n’en a pas pour toi) et tu te plais à croire ce que disent ces idéologues « progressistes » dont l’Université est replète.
C’est comme tu veux mais pour le moment, tu n’as pas d’exemple réel qui corresponde à la définition de l’anarchie et cela confirme ma thèse d’une impossibilité logique

Néanmoins, je ne doute pas que de belles personnes aient pu croire à l’idéal anarchique et en faire de belles choses en apparence mais je suis convaincu qu’on reste dans l’illusion dès lors qu’on refuse la hiérarchie et notamment, celle du sacré. Rien ne peut alors fonctionner à long terme. ça ne peut que s’effondrer plus ou moins vite.

Quoi qu’il en soit, je venais ici seulement pour poster cette série d’émissions qui a l’air plutôt bien faite et qui pourrait intéresser les amateurs du thème :

Probablement la loi des séries … :wink: :

C’est ta perception, mais ce n’est pas celle des anthropologues ou des politologues que j’ai lus et dont je partage le point de vue.

Oui, toutes les sociétés que les anthropologues auxquels j’ai fait référence ont observées et que certains politologues nomment « anarcho-indigénistes », vivent avec le sacré.
Certaines sont chamaniques et d’autres chrétiennes, comme celle du Chiapas (avec la théologie de la libération), en passant par toutes formes de syncrétisme.

Détrompe-toi. Je suis athée mais j’ai totalement conscience de l’importance des religions.

Je fais cependant complètement la distinction entre :

  • un « chef » ou un chaman respecté, mais sans pouvoir coercitif, dont on écoute les conseils … ou pas
  • et une institution religieuse pyramidale qui va jusqu’à brûler les hérétiques ou arracher le cœur de prisonniers pour les offrir en sacrifice au dieu du soleil ou de la fertilité.

Le premier est compatible avec l’anarchisme politique tandis que la seconde en est l’antithèse.

Que de connotations péjoratives dans une seule phrase !

Plus sereinement, les rapports des anthropologues de terrain (comme Pierre Clastres), d’abord, et les synthèses ou analyses de politologues (comme Francis Dupuis-Déri), ensuite, qu’ils soient universitaires ou pas (comme Proudhon) contribuent et correspondent à ma compréhension.

Si leurs travaux sont étudiés ou s’ils enseignent personnellement dans les universités, je doute fort qu’ils représentent la pensée dominante.

Le seul exemple du Chiapas est suffisant à démontrer la possibilité concrète d’une société anarchiste. Eux disent plus précisément « zapatiste ». Comme je l’ai déjà détaillé, c’est une confédération de villages qui occupe une surface grande comme la Belgique et compte entre 100.000 et 250.000 personnes selon les estimations officielles mexicaines. Les villages sont organisés autour d’un « commun », une terre agricole. Toutes les décisions sont prises localement et collectivement. Pour les décisions au niveau communal (regroupement de villages), il y a un mandaté mais qui n’est qu’un porte-parole. La décision revient toujours à l’échelon de base (des villages de 100-200 personnes). Etc.

La présence de croyances religieuses n’est absolument pas incompatible avec un système politique anarchiste. C’est celle d’une église autoritaire, coercitive, qui l’est.

De mon point de vue athée, l’illusion consiste à croire qu’un homme providentiel ou un miracle divin va sauver les peuples de la misère dans laquelle ils sont, sous la contrainte d’une minorité dirigeante.

« Aide-toi et Dieu t’aidera », dit le proverbe. C’est exactement ce que je préconise vivement : que les peuples s’autogèrent ! Au niveau des entreprises, au niveau des villages, des quartiers ou des villes, etc.

A défaut d’installer une « confédération de communes » ou une « société sans Etat » en France, on pourrait retrouver des éléments « anarcho-compatibles » dans une réforme des institutions comme celle proposée par Valérie Bugault : Révoludroit. Elle ne fait jamais référence à l’anarchisme politique, je le précise sans ambiguïté, mais « le mandat impératif », « la subsidiarité » ascendante, « les collectifs citoyens » ou même « les groupements d’intérêts », seraient des éléments fort intéressants à mettre en œuvre.

Merci pour ce partage ! J’ai lu plusieurs textes de Proudhon mais il m’en reste encore à découvrir.

Je m’intéresse par ailleurs à l’opposition entre Karl Marx et Pierre-Joseph Proudhon dont parle brièvement Alain Soral dans cette vidéo : « Marx ou Proudhon ? ».

C’est d’ailleurs par un titre faisant référence à « Misère de la philosophie » de Marx (qui lui-même se voulait l’antithèse de « Philosophie de la misère » de Proudhon) que tu avais nommé ce présent fil de discussion. :wink:

Je me réjouis que tu le reconnaisses. Il te reste maintenant à en accepter la conséquence logique : qui dit sacré, dit hiérarchie (hiéros = sacré) et donc, on est plus dans l’anarchie ou plutôt, on y a jamais été. CQFD.

Excellent ! Merci, j’ignorais ça !

Je suppose que c’est parce que tu méconnais le religieux que tu peux écrire cela. Le religieux c’est la verticale (hiérarchie) l’anarchie, c’est l’horizontale. Il y a incompatibilité radicale. Arrête de répéter des clichés d’allumés pré-révolutionnaires (Lumières) et de francs-maçons.

Je parlais des sociétés « anarcho-indigénistes » qui ont toute du sacré ; mais pas de structure autoritaire, religieuse ou pas.
De plus l’anarchisme ne se limite pas à ces groupes. Les communautés anarchistes modernes, presque toutes écrasées hâtivement par les pouvoirs étatiques, sont plutôt athées voire anticléricales.
C’est varié.

Vraiment !? Ben, pour le coup, ce fut un choix très pertinent !

Malgré le paradoxe que tu relèves à raison et qui trouble certains anarchistes athées (mais pas moi), de telles sociétés existent … les sociétés anarcho-indigénistes … comme celle du Chiapas … zapatiste, c’est-à-dire avec de l’anarchisme politique, et avec du sacré. J’ajoute que le religieux c’est aussi « religare », relier. Des croyances et des valeurs communes, qui peuvent être acceptées ou imposées.

Pourtant, les francs-maçons ont leur « Être suprême » (dixit le préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) qui pourrait être ni plus ni moins que Lucifer à en croire feu Stéphane Blet. Stéphane Blet : "C'est le rituel du Chevalier Kadosh qui m'a fait vomir" et quitter la Secte FM - YouTube Ce n’est ni plus ni moins qu’une anti-Église mais, du coup, une Église elle-même.

Bon je m’arrête, on ne va pas reprendre le débat. Je ne fais que rappeler ma position : il n’a jamais existé de société anarchiste, ni au passé, ni au présent et il n’en existera pas à l’avenir car c’est une impossibilité théorique. Cf. les arguments de notre débat :wink:

Le mot n’est pas la chose. Ce n’est pas parce qu’on appelle ces sociétés anarcho-indigénistes qu’elles le sont. Pour qu’elles soient anarchistes, il faudrait encore que l’anarchie existe. Or ce n’est pas le cas. Ces sociétés vivent dans le sacré donc à la verticale et si leur système est très démocratique il n’en est pas moins doté d’un système de règles et d’autorité aussi égalitaire qu’il nous paraisse. Par conséquent, il n’y a pas d’anarchie ici.

Autorité morale (produite et acceptée par toute la collectivité ; c’est-à-dire « autonomie » selon la terminologie de Cornelius Castoriadis) ou autorité coercitive (imposée par un sous-groupe au sein de la collectivité à tout le reste du groupe ; c’est-à-dire « hétéronomie » selon la terminologie du même Cornelius Castoriadis) ? Cela fait toute la différence à mes yeux.
Tel est un de nos points de désaccord dans l’analyse.

En découle que nos perceptions sont différentes.
Mais ce sont des choses qui arrivent …

OK

Je profite d’un bref passage sur Ronkozé pour exprimer un sentiment intériorisé depuis longtemps afin de ne heurter personne.

Ce fil de discussion m’a laissé une profonde déception ; une déception proportionnelle à l’estime que je porte à mon contradicteur.

Cela a commencé par une affirmation dogmatique …

Il n’a jamais existé de société anarchiste, ni au passé, ni au présent et il n’en existera pas à l’avenir car c’est une impossibilité théorique.

… et malgré toutes les preuves concrètes que j’ai fournies ; que ce soit :

  • sur la présente société zapatiste du Chiapas (très documentée)
  • ou sur les sociétés passées décrites par de nombreux anthropologues de terrain

… mon contradicteur n’a :

  • non seulement pas bougé d’un iota
  • mais en plus a osé dire que tous ces anthropologues étaient aveuglés par leur idéologie ; un comble (pour ne pas dire une inversion accusatoire) pour un croyant !

Je suis profondément déçu :

  • à titre personnel car je vois les limites d’une argumentation factuelle face à une croyance irrationnelle (croyance à laquelle je m’interdis de porter une critique, restant respectueux de toutes les religions qui respectent l’être humain)
  • et aussi à titre collectif car je me dis que déjà que nous sommes si peu nombreux à percevoir lucidement les dysfonctionnement réels de notre société actuelle (dominée par la finance), alors si en plus nous n’arrivons même pas à nous mettre d’accord sur l’objectif à atteindre (se prendre en main collectivement au lieu de s’en remettre à un sauveur providentiel ou à un « ami imaginaire » - c’est le mot le plus aimable que je peux exprimer pour un dieu), nous sommes en très mauvaise posture.
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Merci pour ta franchise Jérôme !

Quand on a l’audace de m’adresser une critique radicale comme celle-ci je m’en sens toujours honoré car je suppose qu’on me croit capable de l’accueillir de manière constructive. Et je m’en réjouis aussi car cela me donne quitus pour dire aussi le fond de ma pensée. Le voici…

Sache que pour ma part, je n’ai pas connu une telle déception car étant psychologue, je sais depuis longtemps que les humains ont toutes les peines du monde à suivre un raisonnement logique jusqu’au bout.
Quand ils voient approcher la conclusion fatale qu’ils refusent, ils déraillent, cad, qu’ils sortent de la logique du raisonnement dans lequel ils sont pris et se mettent à parler d’autre chose, adopter un autre point de vue, faire référence à des figures d’autorité qui vont dans leur sens, etc.

C’est malheureusement ton cas et j’espère que tu ne m’en voudras pas de saisir cette occasion pour te le dire franchement.

J’ai donné et redonné en contexte les raisons fondamentales qui font que la notion d’an-archie est une impossibilité théorique et, par voie de conséquence, une impossibilité historique et tu as, avec une belle constance, détourné ton regard des éléments logiques que j’avançais pour faire à chaque fois référence à tes (ou des) croyances (sic) dans l’existence de sociétés anarchiques, alors qu’il faut y insister, il n’y en a jamais eu.

Tu ne veux pas voir que la régulation sociale des comportements nécessaire au vivre ensemble en paix implique nécessairement un arkhé. Tu « crois » (j’y insiste) qu’on peut s’en passer mais c’est faux et (comme le dit si bien l’adage latin ex falso sequitur quod libet) à partir de ce faux s’est inventé toute la trajectoire anarchiste qui est une fumisterie (pleine de bonnes intentions, celles-là même qui pavent l’enfer) au même titre que le gauchisme et toutes les formes de progressismes qui nous vendent des « lendemains qui chantent » pour mieux nous manipuler en nous amenant à des conceptions qui nient la transcendance et toute forme de verticalité.

Après ça, étonne-toi d’avoir à constater que l’Homme ne semble pas avoir les moyens de se sortir de sa propre turpitude. Nous y sommes engloutis, toi autant que moi.

La différence entre nous c’est que moi, je lève les yeux au Ciel et je dis là-haut , il y a de l’air, il faut aller à la verticale si voulons respirer et vivre. Mais la plupart sont trop occupés à se chamailler dans l’horizontale pour comprendre qu’ils sont en train d’étouffer en faisant le jeu des « puissances de ce monde » qui, j’y insiste, favorisent tout ce qui nous maintient dans l’horizontale et discrédite a priori la verticale. New age, écologisme, fascisme anti-fasciste, etc. Tout est bon pour nous soumettre à l’élite par le biais du seul lien (dont on nous dit qu’il est) absolument incontestable : la dette !

Comme disait Coluche, « Camaraaaaade, choisis ton camp ! ». Moi j’ai choisi la verticale… :slight_smile:

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C’était donc une bonne chose que les choses soient dites.

Je me suis essayé à ce processus de raisonnement logique dans ce fil de discussion, par respect pour ton approche, alors qu’avec d’autres individus, j’aurais arrêté bien avant, une fois les faits mis en évidence.
En effet, à ma connaissance, aucun contradicteur/opposant à l’anarchisme n’a jamais remis en question son existence même ; seulement argumenté sur ses éventuels aspects nuisibles (de leur point de vue de possédants ou de dirigeants autoritaires).

J’ai essayé de répondre à tes arguments logiques, il est vrai, mais sentant que cela n’avait pas l’effet escompté (te démontrer que ton affirmation dogmatico-logique était erronée), je suis effectivement revenu au concret. Et le concret, ce sont comme tu le dis les observations des « figures d’autorité », des anthropologues de terrain (Pierre Clastres, James C. Scott et confrères) et des observateurs immergés (comme l’historien Jérôme Baschet au Chiapas).

Je n’ai pas été convaincu par ton argumentation, loin s’en faut, entre autres par le choix sémantique que tu as donné au mot an-archie « absence d’'origine ». Personne (y compris les contradicteurs de ce système politique) n’a jamais (à ma connaissance) utilisé ainsi le terme.

C’est parce que j’ai considéré tous ces arguments :

  • soit comme des affirmations dogmatiques (de mémoire : « L’anarchie est impossible au-delà d’une douzaine de personnes » …)
  • soit, bien que logiques (exemples de mémoire : « Du moment qu’il y a une Loi, il y a verticalité donc pas d’horizontalité, donc pas d’anarchie » … « Du moment qu’il y a une croyance religieuse, il y a verticalité donc pas d’horizontalité, donc pas d’anarchie » …), pas du tout incompatibles avec l’existence concrète/réelle d’une société organisée de façon parfaitement horizontale (avec des assemblées de villages, des règles décidées collectivement, et respectées par consensus sans autorité coercitive, etc.).

C’est là où nous ne sommes pas d’accord puisqu’il y a des observations du réel (exemple : au Chiapas) … que tu considères comme des erreurs « imbéciles » dues à la déformation idéologique des observateurs.

J’entends bien cet argument. Mais cet « arkhé », si tu le nommes au sens « d’origine » (de fondation de la société) peut tout à fait être une loi choisie collectivement par toutes et tous (exemple du Chiapas : la doctrine zapatiste : « La terre à ceux qui la travaillent »). Cela peut même revêtir un caractère sacré, que la Constitution soit considérée comme d’origine humaine ou « divine ».

Ce n’est pourtant que de la démocratie radicale ; une démocratie que tu défends, pourtant !

Tu as raison d’insister sur ce point. D’ailleurs, on peut évidemment supposer que les mouvements anarchistes modernes ont été infiltrés par les ennemis de l’anarchisme, les agents du pouvoir en place. Comme tous les mouvements dissidents.

Là, tu fais référence à l’athéisme (« Ni Dieu ni maître ») qui n’a sa place que dans l’anarchisme moderne, celui qui dénonce le pouvoir du catholicisme (ce qui arrange évidemment les autres ennemis du catholicisme : les protestants et les talmudistes).
Mais les sociétés anarcho-indigénistes n’ont aucun problème avec la transcendance et la verticalité.
Même moi, athée, je ne contesterais pas une société dans laquelle la croyance religieuse prédominerait (c’est d’ailleurs le cas au Chiapas avec la théologie de la libération, du moment qu’aucune autorité coercitive ne m’obligerait à m’y soumettre. Je considère que la croyance est une notion intime, qu’elle peut faire du bien et en cela doit être respectée y compris par les athées.

C’est vrai.

C’est vrai.
Les « puissances de ce monde » (familles bancaires et/ou aristocratiques) ne veulent pas qu’on tourne les yeux vers elles et organisent des clivages incessants et renouvelés pour que la masse se déchire horizontalement.
Mais avec la démocratie, ou la démocratie radicale que j’identifie (comme Etienne Chouard et d’autres) à l’anarchie, ce serait la reprise en main de l’horizontalité par l’adhésion de toutes et tous à une société commune.
C’est la seule façon concrète que j’imagine pour se débarrasser des parasites sociaux (familles bancaires et/ou aristocratiques).

Nous avons la même perception de la société actuelle. Nous faisons le même diagnostic.
Mais nous ne nous entendons pas sur le remède.
D’où ma déception.

Je suppose que tu n’es pas devenu croyant au terme d’une discussion logique. Cela relève plutôt d’une conviction intime. Et je ne me permettrai pas d’argumenter sur le sujet ; je pense d’ailleurs que ce serait inapproprié.

Le « camp » que j’ai choisi est l’anarchie et plus précisément « l’anarchisme éducationniste » :

« éducationniste réalisateur » dans le sens où les anarchistes privilégient la préparation de tout changement radical par une éducation libertaire, une culture formatrice, des essais de vie communautaires, la pratique de l’autogestion et de l’égalité des sexes, etc. Ce modèle est proche du gradualisme d’Errico Malatesta et renoue avec « l’évolutionnisme » d’Élisée Reclus Source : Anarchisme — Wikipédia.

Mais même avec toi, celui avec lequel j’ai partagé le plus d’opinions communes sur ce forum, je n’ai pas réussi à te faire adhérer à ce point de vue. Tu imagines un peu ma déconvenue !

Quoiqu’il en soit, je respecte ton choix de la Verticale.
Je m’y résigne en tout cas.
On ne peut pas être d’accord sur tout.